Barrichello a jugé « horrible » la manœuvre de Schumacher au tour 66, dimanche. Faut-il s’en étonner ? L’Allemand est revenu pour le pire cette année ; se faire traiter de « cinglé ». Comme il y a vingt ans, après qu’il se soit brutalement désaxé pour réprimer une attaque de Häkkinen dans le final du GP de Macao. Sur ce circuit d’hommes plus renommé encore que Monte-Carlo, la victoire était en jeu dans l’officieux championnat du monde de F3 ; un passeport direct pour la F1 aussi. Häkkinen avait pris la direction du mur, à plus de 200 km/h. Dix ans plus tard, son dépassement-roi à Spa-Francorchamps avait été une jubilation offerte au monde entier. Une douce revanche personnelle, secrète, et un message envoyé à qui de droit.
Barrichello était également insoumis dimanche, mais il a été trop longtemps inféodé pour changer son image vis-à-vis de son tortionnaire de circonstance. Son courage valait une éclatante victoire plutôt qu’une 10e place, mais c’est là une simple question de référentiel. Le respect qu’il y a trouvé est à la mesure de la déception suscitée par la méthode germanique et le recul de dix places infligé par les fédéraux au prochain GP pour solde de tout compte. Au passage, je me demande si Schumi aurait osé faire ça à un Alonso, un Webber ou un Vettel. Probablement non car je le soupçonne de ne s’attaquer qu’aux faibles ou supposés tels alors que les candidats en question sont répertoriés sanguins. Ce serait une affaire toute couarde, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le quadragénaire avait envoyé Massa avec fracas dans l’herbe au Canada. Avec son autre ex-N.2, c’était du tout cuit. La victoire ou un accessit ne sont pas discriminant, Schumacher sait juste à qui il s’en prend et il n’a pas de tabou : à Nürburg, en 2001, il avait serré son frère Ralf contre un mur, à la Barrichello. A l’époque, la FIA n’avait rien fait. La sanction hongroise constitue donc un précédent. Mais faut-il s’en contenter ? Hamilton s'était fait gronder pour ses ruades urbaines à Melbourne et Todt avait indiqué envisager des sanctions sportives à l'avenir, arguant la mauvaise image propagée auprès du public. Que pense-t-il du comportement de son ambassadeur pour la sécurité routière ?
Cependant, la réaction de Brawn est ce qui m’a le plus déçu dans cette histoire. Le complice historique a cautionné la laideur, rejeté la dangerosité de l’enfermement puisqu’il y avait « assez d’espace ». Les dix centimètres de part et d’autres ne veulent rien dire si on ne les rapportent pas à la vitesse de défilement de la scène, à savoir 290 km/h. Aux yeux du boss anglais, l’intimidation serait un impondérable de la course moderne, tout comme les consignes d’équipes. Pas de doute, on est bien à l’école Schumacher. En fait, ces prises de positions arc-boutées ne signifient qu’une chose : il faut sauver le soldat Schumacher, coûte que coûte. Parce que Mercedes a voulu revenir en Formule 1 par la grande porte, et que lorsque l’on s’est couvert de gloire avec Caracciola, Moss et Fangio, on ne peut se permettre d’échouer avec Schumacher. Ni même risquer de le décourager à rempiler pour une année.
C’est regrettable, le fair play ne saurait dissimuler les résultats sporadiques des Flèches d’argent. On voit même que la firme à l’Etoile s’acharne à trouver des satisfactions là où elle peut. Ainsi a-t-elle tout misé sur la stratégie, donc le ballet des changements de pneumatiques. A Hockenheim, Rosberg avait souligné la rapidité des mécanos gris, auteur des deux meilleurs chronos au pit stops. Cette marque du professionnalisme a poussé l’équipe à se fixer 2.5 sec comme délai d’intervention par voiture. De l’épate mal placée, on l’a vu dimanche. La roue perdue de Rosberg a failli tuer et a fichu une belle pagaille. Pilote aux abois, valeurs du sport oubliées, matériel inconsistant, travail bâclé : espérons que les vacances fassent le plus grand bien à l’équipe Mercedes.
Stéphane VRIGNAUD
Schumacher a publié un communiqué lundi après-midi :
"J'ai à nouveau regardé l'incident avec Rubens, et je dois reconnaître que les stewards ont été justes dans leur jugement : la manœuvre contre lui était trop dure. J'ai voulu lui rendre la vie dure pour me passer. Je lui ai clairement montré que je ne voulais pas le laisser passer mais... Je ne cherchais pas à le mettre en danger avec ma manœuvre. S'il a ressenti que je l'ai été, j'en suis désolé, ce n'était pas mon intention."
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